Luo Mingjun «En scène»

19-03-2019    Views  131

Après plusieurs expositions à la galerie Gisèle Linder qui se concentraient sur sa peinture, la présentation actuelle marque le retour de Luo Mingjun au dessin. Bien qu’elle ait fait des dessins pendant de nombreuses années à la plume et à l’encre ou au crayon, ce n’est que récemment que l’artiste a commencé à utiliser le fusain pour produire des œuvres plus grandes, dont beaucoup mesurent 100 x 70cm. Le fusain étant nettement plus rapide à utiliser, il lui donne non seulement une énergie créative, mais également d’avantage de liberté que d’autres matériaux, étant donné qu’elle peut utiliser sa main pour modifier la texture ou pour l’effacer en partie.

L’exploration par Luo Mingjun de ce nouveau moyen reflète également les changements dans son approche de faire de l’art, en particulier sa tendance à suivre, plus volontiers que dans le passé, ses instincts. En comparaison avec ses dessins à l’encre ou au crayon qui étaient des interprétations précises et extrêmement contrôlées de portraits de famille ou d’objets quotidiens, ces nouvelles œuvres sont plus expressives et plus vigoureuses. Toutes les images se basent sur des situations que l’artiste a vues et expérimentées elle-même et qu’elle a choisi de capter par la photographie. Quelques-unes, comme l’oiseau assis dans un arbre, bien que dessinées avec tendresse, sont impersonnelles. Cependant, En scène, le titre de l’exposition, souligne la vue que Luo Mingjun a d’elle-même comme jouant un rôle, l’autobiographique étant une scène sur laquelle elle projette son moi passé et présent. C’est peut-être le plus évident dans le long dessin de sa classe à l’école d’art ou le portrait de la famille de l’artiste, avec Mao ajouté au centre. Cela s’étend cependant à l’exploration de nouveaux choix aussi bien des sujets que de leur traitement.

Un aspect clé de l’utilisation par Luo Mingjun du fusain est son traitement de la lumière. La noirceur riche et dense de ce moyen crée une variété de qualités de lumière, allant du brunissage presque mystique du ciel qui attire l’attention d’un groupe de personnages montrés de derrière, à une unique ampoule éclairée. La solitude d’une femme debout près d’un lutrin est rehaussée par une lumière douce qui lui prend bizarrement sa substance, alors que l’ombre derrière la bouteille marquée avec les mots BorderLine Suisse accentue l’échelle du seul objet dans le grand espace vide. Dans un autre dessin encore, par un jeu de positif et de négatif, un groupe de personnages est si densément rassemblé que leurs formes noires contre le fond neutre rappellent les silhouettes de découpages.

Il y a une simplicité dans ces nouvelles œuvres qui respirent le calme et la paix. En contraste avec les dessins au fusain, une aquarelle d’un bleu-gris délicat, composée de neuf feuilles, représente la même famille chinoise qui réapparaît plusieurs fois dans l’exposition. Avec un minimum de coups de pinceau, les contours des personnages sont évoqués juste assez pour que l’on puisse lire l’image. Les dessins d’un olivier, de branches dans la neige ou les formes saisissantes d’antennes contre des nuages sont caractérisés par une simplicité et une perspective claire.

Cette nouvelle qualité épurée ressort également dans les quelques peintures à l’huile exposées. Dans celles-ci, Luo Mingjun a utilisé des teintes presque neutres de gris-blanc sur chaque toile beige-verte non-traitée pour suggérer de façon diverse la mer, un petit arbre sombre peint en négatif et un grand tableau d’un magnolia en fleur à la tombée de la nuit. Ces œuvres également sont de simples impressions du thème, comme si elles passaient de manière fugitive sur la surface de la toile. L‘habileté de l’artiste à dissoudre ses sujets réalistes, tout en les réinventant simultanément comme une proposition en peinture, s’est développée pendant de nombreuses années. Dans cette exposition En scène, Luo Mingjun applique cela à l’autobiographique et à la liberté qu’elle peut en tirer pour imaginer le jeu et le rêve.